Moins connue que Madam C.J. Walker, Annie Turnbo Malone est pourtant la véritable pionnière de la cosmétique afro-américaine. Une entrepreneuse volontaire aux méthodes novatrices et imitées.
Annie Minerva Turnbo naît un 9 août, probablement en 1877, à Metropolis dans l’Illinois. Fille d’anciens esclaves, elle est très tôt orpheline. Elle étudie jusqu’au Lycée mais sans obtenir son diplôme.
Au début du XXe siècle la mode afro-américaine est au lissage des cheveux. Annie met au point un produit moins agressif pour le cuir chevelu que celui de ses concurrents. Après avoir développé sa gamme de soins capillaires, elle s’installe en 1902 à Saint-Louis dans le Missouri, alors en plein essor.
Femme noire, Turnbo n’a pas accès aux réseaux de distribution traditionnels. Elle débute donc en proposant des démonstrations de ses produits en porte-à-porte. Elle recrute progressivement des conseillères pour vendre ses produits, dont la future « Madam C.J. Walker » qui créera son propre empire dans la cosmétique afro-américaine.
A l’occasion de l’Exposition universelle de 1904 à Saint-Louis, elle entrevoit la possibilité de se développer au niveau national grâce à son marketing innovant. En plus du porte-à-porte, elle et ses assistantes sillonnent les églises afro-américaines et les centres communautaires du pays. A l’issue des démonstrations, partout de nouvelles représentantes locales sont formées. Ainsi, dès 1910, Poro, son entreprise, dispose de son propre réseau de distribution national.
En 1918, elle est une des premières femmes noires millionnaires. Elle construit le Poro College, une école de formation cosmétologique et commerciale pour ses conseillères de vente. Le campus abrite également des équipements éducatifs, religieux ou récréatifs à destination de la population noire victime de la ségrégation. Philanthrope, Annie Turnbo fait de nombreux dons à diverses institutions de sa communauté : hôpital, orphelinat, université.
Poro emploie en 1927, plus de 75 000 représentantes, possède des Colleges dans 32 villes des États-Unis et dispose de points de ventes franchisés dans les deux Amériques, en Afrique et aux Philippines.
Mais sa fortune, désormais estimée à plus de 14 millions de $, lui est disputée par son second mari, Aaron E. Malone, épousé en 1914. Impliqué dans la direction, il demande le divorce ainsi que la moitié de l’entreprise. Le différent, très médiatisé, se résout en faveur d’Annie qui consent à payer 200 000 $ à son ex-mari.
Après le Krach de 1929, Poro déplace son siège à Chicago en 1930. Mal gérée, l’entreprise périclite et doit faire face à des poursuites judiciaires. Dans la décennie suivante, c’est le fisc qui lui réclame des arriérés jusqu’à prendre le contrôle de la société en 1951.
Annie Turnbo Malone décède d’un AVC le 10 mai 1957 à Chicago à 87 ans sans enfants. Son patrimoine est alors évalué à 100 000 $.
Le Bureau du Patron réunit des articles brefs consacrés à l’histoire d’entrepreneurs atypiques aux fortunes diverses.