Les aventures de Tintin accompagnent une majorité d’entre nous depuis notre plus tendre enfance. Ainsi, de 7 à 77 ans, du simple amateur au tintinophile averti, chacun est capable de citer sans hésiter une seule seconde le whisky préféré du Capitaine Haddock. Une marque pas si fictive que cela…
En 1965 l’éditeur britannique de Tintin souhaite publier l’album L’Île Noire qui n’a encore jamais été traduit en anglais. Il demande toutefois à Hergé de bien vouloir mettre à jour le dessin et corriger de nombreuses invraisemblances que ne manquerait pas de relever le public de sa très gracieuse majesté. En effet, la première publication de l’album remonte à 1937 et, à l’époque, Hergé l’a dessiné sans mener une étude préalable approfondie.
En 1966, l’ensemble de l’album est donc remanié et redessiné par les Studios Hergé pour mettre au goût du jour les décors et accessoires. Parmi ces retouches, la marque de Whisky Johnnie Walker qui apparaît à de nombreuses reprises est remplacée par une marque que l’on pense alors fictive, Loch Lomond. Peut-être par crainte de poursuites de la célèbre marque écossaise, nous l’ignorons.
Loch Lomond, n’est pas un nom sorti de l’imagination d’Hergé ou de Bob de Moor, son assistant qui s’est rendu en Écosse pour prendre les photos nécessaires à cette nouvelle édition révisée. Il désigne le plus grand loch de Grande-Bretagne, situé à une vingtaine de kilomètres au Nord-Ouest de Glasgow. A Bruxelles,on pense sans doute alors en toute bonne foi avoir trouvé un nom parfait pour un whisky fictif.
Or en 1964, par une extraordinaire coïncidence que ne renierait pas un scénariste de BD, la Littlemill Distillery Company rachète une ancienne teinturerie au sud du loch à Alexandria. Pour son nouvel établissement, elle décide de relever le nom d’une distillerie disparue au XIXe siècle. Située au nord du lac, Loch Lomond a été active de 1814 à 1817. Son héritière qui lance sa production en 1965 connaît une carrière plus longue et agitée. Elle ferme ses portes en 1984, est rachetée dès l’année suivante mais ne reprend la production de whisky qu’en 1987. En 1997, un incendie détruit 300 000 litres de whisky. Malgré ces péripéties et un rachat, la distillerie Loch Lomond existe toujours aujourd’hui.
Étonnamment, en bientôt 60 ans, cette amusante coexistence n’a donné lieu à aucun partenariat commercial. Et surtout, à aucune poursuite judiciaire, pour le plus grand bonheur des amateurs du breuvage écossais et des fans du petit reporter belge.