L’Anglais qui voyait les choses en grand

Acteur majeur et compétent du développement ferroviaire britannique à son époque, Edward Watkin voit aujourd’hui son nom associé à deux spectaculaires échecs.

Edward William Watkin naît le 26 septembre 1819 à Salford, près de Manchester. Fils d’un marchand de coton aisé, il rejoint l’affaire familiale.

Impliqué dans la vie de la cité, il défend la création de trois parcs autour de Manchester et Salford, alors en pleine essor.

En 1845 il intègre une société ferroviaire locale. Remarqué pour ses talents d’organisateur, il est recruté en 1854 pour prendre la direction de la Manchester, Sheffield and Lincolnshire Railway dont il étend considérablement le réseau.

Surnommé «The Railway Doctor» on fait appel à ses services bien au-delà des seules îles britanniques. Il sauve la Grand Tunk Railway of Canada de la faillite et la dote du plus long réseau de chemin de fer de son époque. Il intervient également à New-York, Athènes, en Inde et même au Congo Belge.

Edward W. Watkin en 1891 par Augustus Henry Fox

Entrepreneur dynamique, Watkin, est également un homme politique. Il est membre du parlement de 1857 à 1895. Profitant de ses déplacements au Canada, il participe activement aux discussions qui conduisent à la création du Dominion en 1867. Fait chevalier la même année, il reçoit le titre de baronnet en 1880 pour son rôle dans le développement des chemins de fer britanniques.

Alors âgé de 61 ans, afin de connecter le réseau ferré du Royaume-Uni à celui du continent, il projette de creuser un tunnel sous la Manche. Malgré une habile campagne de communication et alors qu’il est aux commandes de 9 compagnies ferroviaires, il ne parvient pas à surmonter les oppositions politiques. De nombreux responsables craignent que le tunnel permettent aux troupes françaises d’envahir l’île à pied sec sans avoir à affronter la puissante Royal Navy. L’entreprise est donc finalement stoppée par le pouvoir en 1882 pour des raisons de sécurité nationale.

Moins de 10 ans plus tard, il se lance dans un projet démesuré qui occulte encore aujourd’hui ses indéniables qualités d’entrepreneur. Impressionné en 1889 par la Tour Eiffel, il imagine une tour plus grande encore. Pièce maîtresse d’un parc d’attraction, elle doit attirer les Londoniens qui emprunteront ses trains pour s’y rendre.

Les travaux commencent en 1892 sur un terrain acheté à Wembley. Mais aux problèmes de fondations s’ajoute ceux des fonds. Watkin peine à convaincre des investisseurs de le suivre. En 1894, les visiteurs découvrent un monument inachevé d’un seul étage qu’ils affublent du surnom de « Watkin’s Folly ». Touché par des problèmes cardiaques Edward Watkin abandonne l’aventure dès 1896. La tour sera détruite après sa mort.

Malade, il se retire des affaires et de la vie publique mais connaît un dernier succès en 1899 lorsque les lignes de sa compagnie atteignent enfin Londres. Il s’éteint en 1901 à l’âge de 81 ans.

Le Bureau du Patron réunit des articles brefs consacrés à l’histoire d’entrepreneurs atypiques aux fortunes diverses.

L’armateur qui n’oublia jamais son archipel

S’élevant dans la pyramide sociale britannique jusqu’à devenir un des plus puissants armateurs de son époque, ce fondateur de P&O était aussi un philanthrope.

Arthur Anderson naît en 1792 à proximité de Lerwick, principale bourgade de l’archipel des Shetland. Fils aîné du responsable d’une exploitation de pêche, il bénéficie d’un peu d’éducation mais doit travailler le poisson dès l’âge de 12 ans. Remarquant son intelligence, son employeur lui confie alors des tâches de bureau.

En 1808, il intègre la Royal Navy comme aspirant. Trop peu fortuné pour faire avancer sa carrière, il se résout à devenir secrétaire du capitaine du HMS Bermuda. Après avoir participé aux guerres napoléoniennes sur mer, il est démobilisé en 1815.

Arthur Anderson en 1850, tableau de Thomas Francis Dicksee

Il gagne Londres et devient secrétaire dans la compagnie d’assurance et d’expédition « Willcox & Carreno ». Dès 1822, Brodie Willcox lui propose de prendre la place vacante de son associé. Les deux hommes se lancent alors dans le commerce maritime avec le Portugal et l’Espagne. Profitant des guerres civiles qui s’y déroulent, ils transportent hommes et armes vers la péninsule.

En 1834, après les troubles, ils s’associent à un propriétaire de Steamers (bateaux à vapeur), l’Irlandais Richard Bourne, pour développer les liaisons vers la péninsule ibérique. Avec la nouvelle motorisation à vapeur ils espèrent pouvoir s’imposer. En 1837, grâce à la promesse d’une liaison hebdomadaire et plus rapide que leurs concurrents à voile, ils obtiennent un premier contrat avec l’amirauté britannique pour leur « Peninsular Steam Navigation Company ». En 1840, un nouveau contrat pour l’Égypte et la fusion avec un concurrent donne naissance à la « Peninsular and Oriental Steam Navigation Company ». Celle qu’on surnomme désormais la P&O se développe alors rapidement grâce à ses liaisons vers les Indes, la Chine et l’Australie.

Arthur Anderson devient un des trois directeurs de la compagnie et à la mort de Willcox, en 1862, lui succède comme président. Visionnaire, il défend auprès des autorités britanniques, sans succès, l’idée d’un canal reliant la Méditerranée à la Mer Rouge pour permettre d’accélérer encore les liaisons maritimes.

Devenu un magnat , il n’oublie cependant pas ses racines shetlandaises et modestes. Philanthrope, en 1837 il tente de briser le monopole local des lairds sur la pêche en créant une compagnie. La même année, il présente à la reine Victoria la dentelle des Shetland, initiant une mode qui permet à la dentellerie locale de trouver un nouveau débouché. En 1839, il finance le premier bateau à vapeur acheminant le courrier dans l’archipel. De 1847 à 1852, il est député libéral des Orcades et des Shetland. En 1862, il construit une école à Lerwick et deux ans plus tard un foyer pour les veuves des pêcheurs.

Travaillant sans relâche malgré sa santé déclinante, il s’éteint en 1868 à l’âge de 76 ans.

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